Le Tilleul Bleu

La brise fait chanter la ramure du tilleul bleu. L’arbre solide laisse échapper des craquements de délice. L’ombre des feuilles dessine des motifs d’une grande finesse sur la table en fer blanc. Pol s’est installé près du tronc. Il a basculé sa chaise ciselée en arrière pour que son dossier s’y appuie. Il repose en équilibre sur les deux pieds arrière. L’arbre rare et majestueux a été planté dans le domaine du petit Trianon à quelques mètres du temple de l’amour. Pol imagine ce que Marie-Antoinette en aurait pensé. Elle aurait sûrement apprécié son charme singulier et son parfum exceptionnel. Ce qu’elle aurait aimé par dessus tout, ce sont les décoctions réalisées à partir de ses feuilles et de ses graines bleutées.
Pol vient d’en déguster une tasse. Il la tient dans le creux de ses mains et analyse les éclaboussures sur la faïence tiède. Les gouttelettes d’un bleu profond lui rappellent le ciel avant la nuit. C’est une couleur soutenue, dense et rayonnante. Sa bouche et sa langue sont teintées comme à chaque fois. Il assume pleinement les conséquences de cette exquise dégustation.
Il sait que ce qu’il fait est interdit. La consommation de tilleul bleu est réglementée, en partie à cause des substances psycho actives qu’il contient. C’est une plante qui ouvre l’esprit et élargit la conscience. Elle favorise les états de transe et amplifie la méditation, mais consommée sans modération, elle peut détruire le système nerveux. Pol est déterminé à poursuivre son expérience jusqu’au bout, malgré les risques.
Il se redresse et fait basculer la chaise en avant. Le tilleul bleu flotte dans son estomac. Des parfums suaves lui remontent dans l’arrière gorge. La texture veloutée du breuvage s’accompagne de fragrances épicées et crémeuses.
Cela fait maintenant trois semaines qu’il se rend quotidiennement au pied de l’arbre séculaire pour boire des infusions. Tout a commencé un soir après la pluie. Il profitait des parfums de terre et de mousses humides. Ses pas l’ont guidé naturellement vers le tilleul bleu. À mesure qu’il s’approchait, une silhouette blanche se détachait du pied de l’arbre. C’était la plus fantastique des visions. Une jeune femme vêtue d’une robe blanche diaphane était adossée au tronc. Elle avait de longs cheveux nacrés aussi fins que des fils de soie. Ils descendaient jusqu’à ses pieds nus en épousant les courbes délicates de son corps élancé. Elle avait la grâce d’une sylphide de Filippo Toglioni, le charme troublant d’un cliché de David Hamilton.
Elle a regardé dans sa direction. Ses yeux bleus brillaient dans la demi-clarté. Il s’est laissé absorbé par ses iris d’un autre monde. Il a osé un sourire, elle a changé d’expression. Elle croyait être invisible et quand elle a réalisé qu’il la voyait, elle a paniqué et s’est cachée derrière l’arbre. Pol s’est avancé avec précaution en essayant de la rassurer. Quand il est arrivé de l’autre côté, elle s’était évaporée. L’empreinte de son regard apeuré flottait encore dans l’atmosphère.
Hanté par cette apparition féérique, il a supplié l’arbre de bien vouloir lui montrer à nouveau cette créature merveilleuse. Une bourrasque a soulevé son feuillage et une myriade de graines de tilleul lui sont tombées dessus en tournoyant. Depuis ce jour il boit régulièrement des infusions de tilleul bleu, convaincu que cela lui permettra de revoir sa belle sylphide.
Le soleil passe derrière les arbres. Les ombres s’étirent et emportent avec elle les dernières couleurs du jour. Pol perçoit au loin le cliquetis familier de son automate de service. L’androïde répondant au nom de Louis XVI s’approche d’un pas rapide. Il est vêtu comme un laquais du XVIIIe siècle. Ses vêtements contrastent avec ses membres en laiton et sa tête sans visage lisse comme une flaque de mercure. Il est coiffé d’une perruque blanche fermée d’un nœud noir en soie sur la nuque. Pol a coupé toutes les communications pour ne pas être dérangé pendant sa dégustation. Il s’attendait à ce que Louis XVI finisse par venir le chercher en personne. « Bonsoir monsieur, vous allez bien ? S’enquiert t’il.
− Elle ne viendra pas ce soir.
− Puis-je vous demander de qui vous parlez ? » Pour toute réponse, Pol se lève et regarde le tilleul, rêveur. L’automate remarque la tasse vide. « Monsieur, si je puis me permettre, vous devriez faire attention à votre santé. Au delà de l’interdiction formelle d’en consommer, ce liquide pourrait avoir des effets nocifs sur vous. » Pol secoue la tête. « Ne t’en fais pas. Je sais ce que je fais.» Il pose la main sur le tronc de l’arbre et sourit. Louis XVI penche la tête sur le côté. Il a du mal à le suivre ces derniers temps. « Vous me le diriez si quelque chose n’allait pas n’est ce pas ?
− Rassures-toi, dis moi plutôt ce qui t’amène.
− C’est le moment de changer de cap monsieur. »
Pol soupire et pose son pouce droit sur son poignet gauche. Une flopée d’écrans holographiques se matérialisent autour de lui. Parmi eux se dresse un grand tore en volume. Il est traversé de lignes et de courbes lumineuse qui dessinent un plan déformé du domaine du château de Versailles. Ce schéma lui rappelle cruellement qu’il n’est plus sur Terre depuis longtemps. Cette reconstitution du jardin de Versailles, aussi parfaite soit elle, n’est pas plus naturelle que la brise, le soleil et le ciel au dessus de sa tête. Même les perspectives sont truquées pour amoindrir la courbure du terrain.
En réalité, Pol et Louis XVI naviguent à bord d’un vaisseau argenté de forme toroïdale. Le « Versailles » glisse à la vitesse de la lumière autour d’un rayon bleu qui parcoure le cosmos en direction de la constellation du lion. Sa mission est de livrer un colis d’une rareté exceptionnelle, un authentique tilleul bleu. Les commanditaires sont des moines de la confrérie de Régulus. Ils ont la particularité d’être légalement les seuls êtres vivants habilités à cultiver cette plante et à en consommer les fruits. Pol sent son cœur se serrer à l’idée de devoir s’en séparer bientôt.
Il attrape le point qui représente sa position sur le plan holographique du vaisseau, le pince et le fait glisser vers une autre zone. Au moment même où il le lâche le décor s’évanouit. Tout disparaît, Louis XVI, l’arbre ainsi que la table en fer forgé. Il se trouve à présent devant le bassin Neptune. Il est aussi majestueux que l’original, à un détail près. La fontaine a été remplacée par une colonne de lumière bleue fluorescente qui s’élève jusqu’au ciel. C’est une représentation en temps réel du rayon bleu, leur fil d’ariane. Le véritable rayon ne peut pas être vu depuis l’intérieur du vaisseau.
La présence de Pol est détectée. Une bouche immense se forme dans le rayon et prend la parole. « Sortie imminente. Veuillez confirmer la décélération », annonce la voix féminine du pilote automatique. Pol tend la main et ouvre les doigts. Un jet sort de l’eau. S’il le touche, le vaisseau spatial ralentira et prendra la prochaine sortie. Il quittera le rayon bleu et ne sera plus qu’à quelques heures de la planète monastère du système solaire de Régulus. Louis XVI se matérialise près de lui. Il constate que Pol ne bouge pas. « Voulez-vous de l’assistance pour valider la décélération ?
− Inutile. » Pol se concentre. Il ne reste que quelques minutes. « Monsieur, je pense que vous devriez ralentir maintenant. » Il ne répond pas. La bouche bleue énonce un compte à rebours. « Pol, c’est notre dernière chance ! »
Il ne l’entend plus. Une vague lui remonte l’échine. Sa tête tourne. Pendant un instant il voit le ciel disparaitre et révéler la coque intérieure du vaisseau. Pol comprend qu’il est en transe. C’est la première fois que le tilleul lui fait autant d’effet. Il est excité et inquiet à la fois. Il ne peut plus bouger. La bouche danse, se déforme et prend une nouvelle voix. Elle est plus douce et chuchote avec tendresse la phrase suivante : « Restes avec moi Pol ».
Sa main est suspendue au dessus du jet d’eau. Le décompte arrive à zéro et la bouche plonge dans les eaux du bassin Neptune. Le Versailles a dépassé la sortie prévue à pleine vitesse. Louis XVI s’approche de Pol et pose la main sur son épaule. « Pourquoi ? » lui demande-t’il plus peiné pour son sort que pour le sien. Il retrouve ses esprits. Tout est redevenu normal et son corps peut à nouveau bouger. Il se tourne vers l’automate préoccupé et lui sourit. « Rentrons à l’habitacle Louis, je vais tout t’expliquer. »
Ils se téléportent à l’intérieur du château. Le Versailles continue sa course à 299 792 km seconde, sans aucune destination précise.
La nuit est tombée. Pol est assis sur le rebord de la fenêtre de sa chambre et regarde le jardin. Des lucioles virevoltent autours des buissons et des arbres. Les grillons chantent harmonieusement sous la lune gibbeuse. Louis XVI fait les cents pas. Pol lui a tout raconté et le robot craint que son ami ne soit devenu fou. Il a calculé un itinéraire de secours et lui présente sa simulation. « Dans deux jours nous croiserons un autre rayon à 120° du notre. Nous pouvons l’emprunter pour rebrousser chemin. Nous allons perdre beaucoup de temps. Vous ne pourrez pas éviter le blâme pour le retard de livraison, mais c’est toujours mieux que de continuer comme cela qu’en pensez-vous ? » Pol secoue la tête. « Je ne peux pas faire demi-tour.
− Vous allez au devant de lourdes conséquences.
− Peu importe. » Louis XVI se raidit. Sa face sans visage parvient presque à exprimer son indignation. « Au delà des conséquences administratives, si nous continuons jusqu’au bout du rail, nous serons projeté dans l’espace. Je vous rappelle que tous les systèmes de survie à bord dépendent de l’énergie du rayon bleu. Soyez raisonnable je vous en conjure.
− J’ai le sentiment que tout ira bien.
− Qu’est ce qui vous donne cette confiance ?
− La foi. » Le robot ne sait plus comment réagir. Ce concept va à l’encontre de sa logique. Il se rend à l’évidence. « Je ne pourrais pas vous raisonner n’est ce pas. » Pol suit la danse des lucioles dans les arbres. Leur ballet muet est comme une langue invisible. Il en perçoit la trame cachée. « Je dois y retourner ce soir », annonce-t’il songeur. Louis XVI, s’assoit près de lui et regarde dans la même direction. « J’espère que vous rencontrerez à nouveau cette sylphide, au moins dans vos rêves. » Pol est touché. Cet être artificiel déborde d’empathie bien qu’il ne croie pas à ses élucubrations fantastiques. Il est rassuré et se dit qu’il pourra toujours compter sur son ami de métal, quoi qu’il arrive.
Pol quitte le château et se dirige vers la petite Venise. Il veut se rendre au petit Trianon à pied, sans autre lumière que celle de la lune. Il a envie de s’imprégner de la nature et de la nuit. Sur sa droite, le rayon bleu est toujours là, planté dans le bassin Neptune comme un pilier qui le rattache à la réalité. Il se remémore la mise en garde de Louis XVI. Si le Versailles dépasse l’extrémité du rayon, les batteries ne tiendront pas longtemps. Pol finira par mourir de faim, de froid ou d’asphyxie sous le regard impuissant de son automate dévoué. Louis XVI quand à lui s’éteindra dans deux ou trois siècles, seul dans une épave à la dérive. Il secoue la tête. Non, il ne croit pas en cette fin apocalyptique. Il a confiance dans son intuition. Ses pas se font plus légers.
Il entre dans le domaine de Marie-Antoinette, passe le petit Trianon et se rend au jardin près du temple de l’amour. Le tilleul, éclairé par la lumière sélénite, a des reflets d’argent. La sylphide l’attend, assise à son pied. Pol n’en croit pas ses yeux. Il ne pensait pas qu’elle lui serait apparu si facilement. Son visage fin est d’une pâleur laiteuse. Pol ouvre la bouche mais reste aphone. L’émotion lui étreint la gorge. Il se sent comme un petit garçon qui ose parler à la fille qu’il aime pour la première fois. Il se remémore Shakespeare et espère que tout ceci n’est pas un songe.
La sylphide se lève et lui sourit pour la première fois. Il avance vers elle lentement pour ne pas l’effrayer. Elle se rapproche de lui d’un bond léger et lui prend la main. Le contact de ses longs doigts délicats est d’une douceur infinie. Il respire avec délice son parfum de jasmin et de rosée fraiche. Elle caresse le tronc et l’invite sans un mot à en faire autant. Pol pose la main sur l’écorce épaisse et gorgée d’humidité. Il entre en transe instantanément. La lumière lunaire s’intensifie et tout devient bleu autour de lui. La sylphide communique avec son esprit. Elle le remercie de ne pas l’avoir livrée. Il lui répond à voix haute « C’est l’arbre que je devais livrer, pas toi. » C’est en le disant qu’il comprend son erreur. La sylphide est l’incarnation de l’âme du tilleul. Elle et lui ne font qu’un.
Elle l’emmène maintenant vers le temple de l’amour. Ils entrent sous la rotonde. La statue de « L’Amour taillant son arc dans la massue d’Hercule » les observe complice. La sylphide plisse les yeux. Elle se force à prononcer quelques syllabes. «El… da… el… na…», finit-elle par dire avec beaucoup de peine. Sa voix, aussi hésitante soit elle, est claire comme du cristal. Pol la reconnaît, c’était bien elle qu’il avait entendu au bassin Neptune. Il reprend. « El, da, el, na ? C’est ton nom ? Tu t’appelles Eldaelna ? » Elle sourit et il poursuit enthousiaste « Moi c’est Pol. » Elle hoche la tête amusée. Elle connaissait déjà son prénom bien sûr. Il se sent un peu idiot. « Eldaelna…» répète-t’il. Quand il le prononce, sa langue glisse sur son palais avec sensualité. C’est le plus beau prénom qu’il ait entendu.
« Une chose m’intrigue, pourquoi tu ne veux pas aller chez les moines ? Ils t’auraient vénérée et soignée avec dévotion. » Elle recule et fronce les sourcils. Sans prévenir et d’un geste brusque, elle se mord l’avant bras. Quelques gouttes de sang bleu perlent sur la zone de morsure. Elle colle aussitôt sa peau blessée dans la bouche de Pol. Il goute le dépôt de sa salive et son sang à pleine bouche. L’érotisme inattendu de cette sensation charnelle l’excite au plus haut point. Son sang à un goût puissant de tilleul bleu. Cette sève pure et tiède provoque une réaction violente. Ses yeux se révulsent. Il tombe à la renverse. Eldaelna le tient contre son sein et amorti sa chute.
Elle lui montre une vision, un temps alternatif dans lequel il n’a pas bu de tilleul et a livré l’arbre aux moines comme prévu. Il découvre alors le sort qu’ils lui auraient réservé. Ils extraient de force sa bien aimée de l’arbre en empoisonnant ses racines. Ils se jettent ensuite sur elle alors qu’elle se tord de douleur et l’attachent sur un hôtel sacrificiel. Ils célèbrent alors une messe noire abominable. Ils lui taillent les veines et récoltent son sang dans une grande jarre de jade. La vie la quitte sans qu’une âme ne la prenne en pitié. Enfin, sa dépouille est abandonnée là pendant plusieurs jours et se dessèche au soleil comme une vulgaire charogne.
Pol se soulève pris de panique. Eldanelna le regarde tendrement. Il la serre contre lui de toutes ses forces. Cette vision cauchemardesque ne s’est heureusement pas réalisée dans cette ligne du temps. « Je ne te ferais jamais de mal. Je te promets de t’aimer et de te protéger pour toujours », déclare-t’il les yeux remplis de larmes. Elle sèche ses joues du plat de la main et se remémore les heures qu’il a passé au pied du tilleul à l’attendre. Elle était là, dans l’arbre et le regardait en silence. D’abord intriguée, elle s’est émue de sa présence. Elle a vu la sincérité de son cœur et a fini par se laisser charmer. Plus il buvait son tilleul, plus elle se liait à son âme. Sans le savoir, Pol la séduisait de la plus belle manière.
Maintenant, elle sait qu’elle peut lui faire confiance et décide de faire de lui son partenaire. Elle se penche et l’embrasse avec la plus infinie douceur. Pol est aux anges. Il a l’impression de flotter dans son propre corps. Leur union provoque un autre phénomène qu’il ne réalise pas encore. Le temps s’est décollé de sa trame et accélère de plus en plus.
Un témoin silencieux assiste à cette noce fantastique. Louis XVI se tient devant eux. Pol se réjouit. « Mon ami, je te présente Eldaelna, c’est la sylphide dont je t’ai parlé.» Le robot lui répond si vite que Pol ne le comprend pas. Le jour se lève presque instantanément. Louis disparaît en un éclair puis revient quelques instants plus tard. La nuit tombe à nouveau. Cette fois il reste là et continue de les observer. Pol s’approche de lui. Le bras de Louis se lève d’un coup sec. Le jour revient, puis la nuit à nouveau. Le rythme accélère au point que bientôt il n’y a plus de différence entre les deux.
Du point de vue de Louis, Pol et Eldaelna sont figés comme des statues. Ils réagissent si lentement que leurs mouvements sont imperceptibles. Il décide d’attendre que Pol sorte de cette étrange stase. Il reste là pendant 2643 ans, jusqu’à s’éteindre pour toujours. Pour Pol cela ne dure que quelques secondes. Il voit son corps rouiller et ses vêtements se désagréger. Louis fini par s’effondrer sur lui même. Les restes de son corps sont emportés par le vent sans laisser de trace. Pol a le vertige. Il regarde autour de lui et réalise qu’il n’y a plus rien en dehors du parc du petit Trianon. Le vaisseau, le rayon bleu, le château et le reste du domaine, tout a disparu.
Le Versailles a quitté le rayon bleu il y a longtemps et a été détruit par les bombardements spatiaux. Eldaelna a formé une bulle translucide autour d’eux pour les protéger. La partie du jardin où ils se trouvent a été préservée et ce petit îlot est tout ce qui reste du vaisseau. Le temps accélère toujours. Les galaxies tourbillonnent comme des toupies. Les étoiles gonflent et explosent les unes après les autres. Les comètes fusent dans toutes les directions. L’énergie se consume, la matière s’effondre sur elle même et les derniers photons s’éteignent pour toujours. C’est la fin des temps.
L’univers se résume à cette bulle improbable qui erre dans le néant. Pol est abasourdi. Eldaelna semble satisfaite. Elle le caresse amoureusement et passe sa main sous sa chemise. Elle le déshabille avec une telle habileté qu’il le sent à peine. Il est aussi excité qu’apeuré. Ils sont seuls dans tout le cosmos. Ce qu’il éprouve n’a jamais été ressenti par personne dans toute l’histoire de l’univers. Eldaelna, consciente de son trouble, se dresse devant lui comme un rempart. Elle retire sa robe avec délicatesse et lui offre son corps vierge. Il respire les parfums hypnotiques qu’exhale la peau de ses seins. Il l’enlace, entre en elle et une alchimie surnaturelle se produit.
La structure moléculaire de leurs corps se transforme. Ils fondent l’un dans l’autre et en retirent un plaisir incommensurable. Leurs bras se lissent et se nouent ensemble. Les courbes de leurs corps s’arrondissent et se rejoignent. Ce qu’ils sont maintenant n’est plus un homme et une sylphide. La structure du jardin s’anime elle aussi et devient une partie intégrante d’eux même. La bulle toute entière ne forme plus qu’un. Il n’y a plus qu’une énergie d’extase et d’allégresse.
Pol est encore conscient, quelque part et il voit la vérité. Les tilleuls bleus ont été mal compris par les hommes. Leur ultime mission est d’ensemencer le cosmos quand celui-ci arrive au terme de son existence. Pour réussir, il faut qu’une forme de vie intelligente s’unisse avec la sylphide. Cette union doit se faire dans l’amour et la sincérité. Le sang de la sylphide et la plante du tilleul attirent et nourrissent le partenaire choisi pour le rendre apte à la reproduction finale.
La bulle d’amour et de joie pure qu’ils sont devenus rayonne dans le cosmos éteint. Pol sent la force vitale qui les anime. Leur bonheur s’amplifie encore et Eldaelna donne le signal : « Il ne reste que le vivant, tout peut recommencer ».
Le cycle du temps et de l’espace reprend sa course dans une explosion de jouissance. Les parents de ce nouveau monde vivent à présent dans chacune de ses cellules. Ils se retrouveront un jour, quand viendra le temps des amours du tilleul bleu.

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